Le photographe au cœur des conflits

Les photos des photographes de guerre de l’AFP sont à l’image de leur sujet, souvent violentes. Elles illustrent un univers sombre fait de blessés, de morts et de destructions. On y perçoit les tensions et les exactions. On y voit des véhicules blindés qui font mouvement, des soldats en patrouille ou en position de tir, des combattants civils postés derrière des murs tirant sur un ennemi invisible. Sur d’autres photos, des explosions lointaines, du sable soulevé par les tirs.

Femmes albanaises fuyant le Kosovo pour se rendre en Macédoine. Eric Feferberf - 01/04/1999

Des véhicules brûlent. Des fumées s’élèvent dans le ciel. Des munitions ont été abandonnées. Des prisonniers sont ramenés les yeux bandés. Des cadavres gisent sur le sol. Parfois un lynchage. Des équipes médicales tentent de sauver les blessés. Des colonnes de réfugiés marchent vers des camps improvisés. Les effets de la guerre sont là.

Le monde du photojournalisme se plaît à rappeler les propos prêtés à Robert Capa :

« Si la photo n’est pas bonne, c’est que tu n’étais pas assez près. »

Cette phrase aurait-elle du sens aujourd’hui avec l’utilisation du téléobjectif ? A chaque époque, l’adaptation s’est faite en fonction de l’évolution des équipements, rappelle Patrick Baz :

« Ce n’est pas l’appareil qui fait la photo, mais ce que ton œil voit. »

Les photographes montrent surtout les conséquences de la guerre

Parfois un élément de l’image apporte un peu d’humanité. Ici ce sont des Marines exténués se reposant sous un ciel étoilé en Irak. Là des militaires soignant un blessé à terre. Là encore un paysan de Bosnie qui fait paître sa vache au bord de la route, indifférent au passage d’un blindé américain près de Tuzia (Bosnie).

Paysan bosniaque au passage d'un blindé américain près de Tuzia (Bosnie)

Les photographes montrent surtout les conséquences de la guerre. Les reportages sont autant de témoignages de la souffrance, avec une évidente empathie envers les populations. On y voit des civils s’enfuir, des gens courir pour éviter les bombardements. Les adultes présentent le visage de la peur. Les vieillards semblent résignés. Les femmes pleurent leurs morts. Les enfants paraissent étonnés d’une situation qu’ils ne comprennent pas, pleurent ou au contraire jouent sur une tourelle de char.

Civils fuyant les combats en Bosnie-Herzégovine. Patrick Baz - 31/10/1992

« C’est plus important de montrer ce que font les gens au quotidien et comment ils essaient de préserver leur dignité et de prendre soin d’eux-mêmes et de leur famille dans ces temps difficiles. Ce que je préfère photographier, c’est l’impact de la guerre sur la société. » Odd Andersen

Exercer son métier dans un pays en guerre est une épreuve. Les photoreporters ont parfois dans l’opinion publique l’image de baroudeurs, voire de charognards indifférents à la misère du monde. Ils récusent cette perception.

« On ne reste pas indifférent devant des populations déplacées, des famines, des pillages, des maisons détruites, des gens apeurés qui s’abritent dans des caves, des exodes de populations. » Eric Feferberg

« C’est dans le regard des gens que tout va être dit. Dans une guerre on photographie très peu les combats, surtout les conséquences. A Bangui, quand ça tirait dans les rues, je me tournais vers des gens affolés qui couraient, vers l’enfant qui a été frappé ou vers la femme qui a perdu son mari. » Fred Dufour

Qu’est-ce qui fait qu’une photo est bonne, qu’elle devient un document, une icône ? C’est qu’elle sait raconter une histoire, montrer l’action, en suggérer les conséquences, privilégier le contenu informatif, ne pas céder à l’esthétisme, tout en gardant une grande sensibilité, résument les reporters.

 

Extrait de
Photos de guerre. L’AFP au coeur des conflits
Auteur : Yves Gacon
Collection : Hors collection
Format : Brochée avec rabats – 144 pages
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