Le block booking

Le block booking est un pilier essentiel du Studio system. L’idée de vendre par paquets les nouveaux films s’inspire des méthodes traditionnelles du commerce de gros et vise à garantir que les salles soient toujours pourvues en films. Cette formule souple, favorable au départ aux deux parties, est finalement dénoncée, aboutissant à la réorganisation du cinéma américain.

Avec le passage au long métrage, des bourses d’échanges sont créées pour optimiser la circulation des films. En 1914, Adolph Zukor crée Paramount Pictures, fusion de plusieurs bourses d’échange, qui s’allie avec la Famous Players-Lasky : pour la première fois, une même entreprise réunit production, distribution et projection.

Au final, MGM, Warner, RKO et 20th Century-Fox adoptent une intégration verticale du même type. Lorsque le partage des revenus avec les exploitants de salles est introduit au début du parlant, les studios se mettent à fonctionner à plein régime et compensent le risque de la production en joignant des séries B aux grands films à stars, assurant ainsi des débouchés garantis à prix fixe par une pratique de vente forcée.

Ailleurs, les petits studios comme Universal et Columbia dépendent fortement du block booking, tandis que ceux du Poverty Row se débrouillent en distribuant les films État par État plutôt que dans le pays entier.

Même si United Artists renonce au block booking, les producteurs indépendants se sentent discriminés. D’autre part, des groupes de pression conservateurs affirment que le système a fait proliférer des films à la moralité douteuse.

Face au spectre d’une censure extérieure, les studios acceptent, en 1934, de se soumettre au Code de la Production, d’abandonner la réservation par saisons au profit de blocs plus réduits et de fournir aux exploitants de salles un synopsis des films à venir. Néanmoins, Hollywood, qui a survécu à la crise des années 1930 sous la protection du Président Roosevelt, est bientôt assiégée par une croisade de sénateurs, le Département américain de la Justice et la toute récente Society of Independent Motion Picture Producers.

L’application du décret Paramount en 1948 par la Cour suprême n’est retardée que par la Seconde Guerre mondiale : non seulement le block booking devient illégal, mais les Big Five doivent se défaire des cinémas qu’ils possèdent.

Cette décision intervient au pire moment : la fréquentation décline à mesure que les Américains migrent vers les banlieues et s’adonnent à d’autres loisirs, comme la télévision, et les coûts de production montent en flèche. Sans des débouchés garantis, les studios licencient et délaissent les séries B, les dessins animés et les courts métrages pour se concentrer sur des films de prestige censés vivre de leurs seuls mérites.

Le "Cléopâtre" (1963) de Joseph L. Mankiewicz, premier "flop" de l'après Block booking.

Le « Cléopâtre » (1963) de Joseph L. Mankiewicz, premier « flop » de l’après Block booking.

Pourtant, ni l’écran large, ni la couleur, ni la stéréophonie ne parviennent à éviter des naufrages onéreux comme celui de Cléopâtre (1963) de Joseph L. Mankiewicz. Soumis à la tyrannie du résultat financier, Hollywood devient le pays des suites, des imitations et des films pour un public ciblé, où l’innovation et la diversité artistiques ont laissé la place à une homogénéité sans risque.

Ironie du sort, les cinémas sont eux aussi touchés par la baisse de la production : les petites salles ferment alors, inaugurant l’ère actuelle des multiplexes et des blockbusters, où se pratique une forme modifiée de block booking ainsi que la détention de chaînes de cinémas par les studios. Ainsi, le sort d’un film dépend presque entièrement de ses tous premiers jours en salles, avant une sortie accélérée sur le marché des copies privées.

100 idées qui ont révolutionné le cinéma

Les grandes idées qui ont révolutionné le cinéma
David PARKINSON
9782100711369, 216 pages, 26 €



Laisser un commentaire