Les recettes des pros du reportage – partie 4

Le matériel

Partir lourd ou léger ? C’est l’éternelle question. Dans le passé, la plupart des grands reporters traditionnels (Cartier-Bresson…) ont utilisé des appareils légers et silencieux (type Leica), avec des objectifs lumineux, souvent des focales fixes 35 ou 50 mm.
Du reflex (comme la plupart des photoreporters) au bridge, en passant par les hybrides (sans miroir, mais à objectifs interchangeables et petits, avec parfois un écran orientable), il y a tant de possibilités offertes à nous aujourd’hui. Certains téléphones portables font d’ailleurs d’assez bonnes photos…

Alex Majoli, grand reporter de l’agence Magnum – il publie régulièrement dans les plus grands magazines dont Newsweek, enchaîne les prix et a encore été primé au World Press Photo 2011 pour une image de manifestation place Tahrir – troque souvent son reflex contre un bridge ou des compacts. Il emporte jusqu’à six appareils en voyage, ainsi qu’un stock de cartes mémoire et de batteries. Pas de flashes ni d’accessoires encombrants style trépied.
Motifs de son choix :
– la visée sur l’écran arrière, plus discrète,
– le côté « touriste » de l’appareil,
– sa valeur peu élevée (important en zone de guerre),
– l’encombrement faible (6 compacts ou 4 bridges peuvent peser autant que 2 reflex pro et leur objectif).

L’important est de choisir l’appareil et le matériel adaptés au sujet que l’on va couvrir, quitte à louer le nécessaire pour se rendre compte de ses besoins avant le départ. Par exemple, on peut avoir envie d’emporter un téléobjectif pour photographier des bouquetins en montagne, mais si le poids du sac à dos rend trop périlleuse l’ascension, on reviendra bredouille et mieux vaut alors un petit bridge stabilisé avec un zoom puissant. Cet appareil sera moitié moins encombrant qu’un reflex avec un objectif tout petit. Autre avantage du bridge : comme il ne comprend pas de visée reflex avec miroir, on ne fait aucun bruit au déclenchement. Le viseur optique est remplacé par un viseur électronique, pas toujours aussi fin qu’une vraie visée reflex, mais en net progrès ces dernières années.

Beaucoup sont munis d’un écran orientable. Tous les fabricants proposent actuellement des modèles de bridges. Fuji, Olympus et Sony s’en sont fait une spécialité et proposent des appareils très polyvalents au look de mini-reflex. Le Nikon P150 est doté d’un objectif aux focales équivalentes à 24-1 000 mm (non, ce n’est pas une faute de frappe !). Quant au nouveau Sony HX200V, il propose une qualité d’image particulièrement soignée (objectif équivalent 27-810 mm f/2,8-5,6). N’oubliez pas qu’avec de telles focales, la fonction Stabilisation est vraiment préférable.

Les appareils hybrides (chez Panasonic, Sony, Samsung, Nikon…) font actuellement une percée importante du fait de leur petite taille.
On trouve également des Leica numériques qui conservent les qualités de leurs prédécesseurs argentiques (petits, légers, discrets, silencieux…) ou des « compacts de luxe » à optiques fixes interchangeables de très haute qualité et à grand capteur (chez Fuji, notamment).
Attention aussi à tester son matériel au soleil et pas seulement en boutique, car il est très difficile de viser en plein cagnard en se servant uniquement de l’écran arrière d’un compact (privilégier un viseur dans ces cas-là). Si ce n’est pas possible et que vous n’avez qu’un compact sans viseur, achetez une « visière » pour votre écran.

Elle se colle autour du LCD et se replie facilement (disponible chez de nombreux accessoiristes comme Delkin, Hama, etc.).
Pour un reportage baroudeur « tout terrain », un compact étanche pourrait représenter une solution pas trop coûteuse (à partir de 150 €).
Pensez toujours au problème de l’autonomie. Emportez un chargeur (voire un adaptateur à l’étranger) et suffisamment de piles ou de batteries de rechange. Certains reflex (notamment Pentax, en occasion) fonctionnent avec de simples piles LR6 qu’on trouve partout, dans le monde entier (pas besoin de chargeur).

Protéger et entretenir son matériel

Attention également à bien protéger à la fois le reporter et le matériel quand on part. Emportez si possible toujours de la crème solaire l’été, des gants/mitaines l’hiver, un sac plastique pour vous protéger de l’humidité ou de la pluie (on trouve dans les magasins de sport des housses anti-pluie pour sac à dos, des étuis rembourrés pour bidon/gourde ou des sacs à magnésie pour l’escalade qui peuvent protéger à moindre frais des objectifs de la pluie).
Attention également à la chaleur excessive (ne pas le laisser au soleil dans un sac foncé, ne pas viser directement le soleil) et à ne pas changer d’objectif n’importe comment ni n’importe où pour éviter d’avoir à nettoyer le capteur en pleine action.
Pour nettoyer délicatement un objectif, un pinceau est un bon accessoire. Une chiffonnette en microfibre douce pour les lunettes permet de garder l’écran propre.

Pensez aussi à utiliser un filtre à densité neutre (ND4 ou ND8, par exemple) si vous voulez conserver une faible profondeur de champ en plein soleil avec un reflex et un objectif lumineux. Un filtre polarisant est également bien utile à conserver dans votre sac. Emportez également un dévisse-filtre (un accessoire qui ne pèse rien et qui est bon marché), car quand un filtre se coince, c’est délicat de l’ôter sans abîmer la lentille frontale ou fausser le pas de vis.

Prévoir le coup de pouce du destin

Idéalement, il vaut mieux avoir son matériel toujours prêt (batteries chargées, avec de la place sur les cartes mémoires) et le prérégler à chaque fois qu’on arrive quelque part pour ne pas perdre de temps au cas où il se passerait quelque chose. Par préréglage, on entend : balance des blancs correcte (si travail en JPEG direct), bon choix de la mesure d’exposition (utiliser l’histogramme), sensibilité ISO adaptée, vitesse d’obturation minimale correcte (le mode Priorité à la vitesse, dit aussi S ou Tv, est intéressant pour cela). Pour certains sujets, c’est plutôt la profondeur de champ qui sera déterminante (portraits, nécessité de flouter le fond), et là, on préférera le mode Priorité à l’ouverture (nommé aussi A ou Av). En fait, avec de l’expérience, on peut quasiment tout faire en mode Av.

C’est ainsi (en étant toujours prêt) que Philip Plisson a pu faire cette extraordinaire photo d’un avion de ligne se posant en catastrophe sur l’Hudson River en plein milieu de New York alors qu’il était venu en reportage pour un autre sujet. Cela s’appelle avoir la chance d’être là au bon moment, mais aussi, le fait d’être bien préparé et constamment sur le qui-vive.

Claire Riou



Laisser un commentaire