Le conseil 101 : Numérique ou argentique ?

Rappelez-vous : c’était la phrase à la mode il y a dix ans, à l’époque de la grande révolution… Aujourd’hui, la question redevient d’actualité mais pour d’autres raisons, fonctionnelles, esthétiques, ou simplement par jeu.

L’industrie des supports sensibles et des appareils photo mécaniques allait fêter le début de son troisième siècle de croissance, lorsqu’une météorite inattendue fracassa cette inébranlable prospérité. En moins de cinq ans, les usines cessent de fabriquer les boîtiers et les magasins d’en vendre. Imaginez le dernier dinosaure se grattant la crête de perplexité. Imaginez que, dans cinq ans, plus aucune voiture à essence ne roule, à part dans le jardin des collectionneurs ! La mutation photographique est du même ordre.

Les atouts du numérique sont nombreux et justifient son succès fracassant. La qualité des images, en particulier à basse lumière, est supérieure, certains capteurs flirtent avec les 100 000 ISO alors que la pellicule couleur peine à atteindre 1 600 ISO. Pellicule et développement impliquent un coût et des délais, tandis que le numérique appartient au règne de l’instantané et de l’illimité. Observer aussitôt la photo au dos de l’appareil aide à corriger ses défauts techniques (mise au point, exposition…), même sur un écran de petite taille – n’hésitez pas à zoomer dans l’image pour vérifier sa netteté. Autre souci de notre époque sécuritaire : les contrôles aux rayons X  fréquents dans les aéroports et les musées abîment les pellicules sensibles – pas la mémoire numérique. Avec la quasi-disparition de l’argentique, la qualité des développements des boutiques a chuté. Les laboratoires professionnels gardent un excellent niveau, justifié par leurs tarifs élevés. Enfin, la fabrication de pellicules était polluante, ainsi que son développement avec des bains toxiques.

Les qualités de l’argentique

Pourquoi s’intéresser encore à l’image chimique ? Plus personne n’écrit à la plume d’oie trempée dans l’encrier, même si le geste fut charmant. Voici 10 bonnes raisons pour ressortir l’appareil de grand-papa :

  1. Vous partez dans le désert ou la banquise, sans la possibilité de recharger votre appareil sur une prise électrique. L’appareil argentique fonctionne avec une pile minuscule pour sa cellule, à changer tous les deux ou trois ans. Pas d’ordinateur ni de chargeur solaire à transporter. Cette autonomie se justifie d’autant plus que le froid sibérien épuise vite les batteries. Prévoir une boîte blindée pour protéger les pellicules des rayons X des aéroports.
  1. Limiter le nombre de vues impose une contrainte mais développe la créativité. Avec seulement 36 poses par pellicule et un coût élevé d’achat et de développement, le photographe est plus attentif et ses photos souvent plus intenses. Il cesse de mitrailler. La photo numérique est à l’argentique ce que la pêche à la dynamite est à la pêche à la mouche !
  1. En argentique, impossible de voir la photo avant son développement. Pas de visionnage qui distrait de la séance de prise de vue. Il faut réfléchir avant d’agir.
  1. En développant soi-même les pellicules, en tirant ses images noir et blanc, voire en fabriquant son propre papier sensible sur du papier d’art (pour aquarelle, vergé, kraft…), le photographe maîtrise totalement sa technique. Il est libre de choisir des initiatives créatives, hors-piste des procédés industriels.
  1. L’agrandissement en noir et blanc est une activité envisageable pour l’amateur, même si papier et produits deviennent difficiles à trouver. Ce travail approfondi sur une seule image enseigne l’attention et la patience. C’est la voie royale pour exposer, pour réaliser à la main des tirages uniques, différents des sorties d’imprimante, véritables œuvres d’art ou au moins d’artisan.
  1. Les pellicules en noir et blanc très sensibles (jusqu’à 3 200 ASA) présentent une granulosité que l’on pourrait considérer comme un défaut, mais si typique que la plupart des logiciels de traitement d’images imitent ce grain dans un but esthétique.
  1. La nostalgie : l’effet « années 70 » de certains logiciels simule les couleurs vieillies du dernier millénaire.
  1. Les supports informatiques (CD, DVD, disques durs…) et les sorties d’imprimante s’effaceraient après une dizaine d’années. Un négatif et des tirages bien rincés durent au moins deux siècles ! De même, l’appareil se renouvelle moins souvent. Au final, l’argentique serait-il plus écologique que le numérique, gourmand en ressources naturelles et polluant à éliminer ?
  1. L’image sur négatif demeure une preuve plus concrète que la photo numérique. On peut certes truquer sur Photoshop et transférer sur négatif, mais la démarche est rare.
  1. « Parce que c’est rigolo, et que les appareils sont plus jolis » m’a répondu un homme dans une rue de Paris, qui s’appliquait à mesurer la lumière avec une cellule à main pour son antique Minolta dénué de tout instrument de mesure.

 

Une photo argentique typique des basses lumières : dans cette guinguette peu éclairée, la pellicule couleur 800 iso sous-exposée granule au maximum. L’objectif de haute qualité est ouvert à son diaphragme maximum de f/1,7, d’où une profondeur de champ très réduite, avec une zone nette (mais granuleuse) et le reste dans le flou. Dans la même situation, un appareil numérique aurait donné une image plus nette et réaliste.

L’on peut aussi photographier sans pixel ni pellicules, avec des supports que l’on fabrique soi-même et un appareil de type sténopé. En savoir plus : www.stenoflex.com et www.apaphot-anc.com . En voyage, vous risquez moins qu’un voleur s’intéresse à ce bricolage qu’au dernier Nikon ! Et même dans cet exemple non reflex et non numérique, mon livre 100 conseils pour mieux photographier avec votre reflex numérique  vous apportera des idées utiles pour le cadre, la composition, la lecture de l’image. Bref, les bons réflexes… du photographe.


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Pierrick Bourgault

www.monbar.net



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