20 règles d’or pour une création graphique réussie (1ère partie)

Dire qu’un graphisme est « bon » ou « mauvais », c’est faire appel à des notions assimilées à travers l’éducation ou l’expérience personnelle mais aussi, souvent, l’expérience de milliers de graphistes ou critiques.

Ces notions sont parfois d’ordre esthétique (par exemple : « l’asymétrie est plus belle que la symétrie » ou « une police neutre fera l’affaire » ) et parfois d’ordre strictement fonctionnel (« les petites nuances des caractères à empattement ont tendance à disparaître sur un aplat de couleur et perdent en lisibilité »). Les deux points de vue sont utiles car ils permettent l’un et l’autre d’éviter des pièges et de trouver des solutions qui améliorent une création. Les règles, ou principes, sont une référence commune pour l’interprétation et l’évaluation du travail de création. Si tout est « bon », rien ne peut plus vraiment l’être. Le relativisme finit par empêcher tout jugement honnête et par encourager la médiocrité universelle. Savoir quelles règles sont importantes (au moins du point de vue historique), et pourquoi, c’est se prémunir contre les effets désastreux de leur méconnaissance et les conséquences indésirables de leur transgression.

À chaque fois que l’on tente d’édicter des règles de qualité, les gens se récrient : « c’est trop contraignant » ! Mais les règles – notamment celles que nous présentons ici – ne sont rien d’autre que des guides, fondés sur l’expérience de nombreux professionnels avisés. Elles souffrent donc toutes des exceptions et il est possible de les transgresser ou d’y déroger, mais pas impunément. Quand le contexte s’y prête, la transgression d’une règle peut conduire à en renforcer une autre et constituer une véritable innovation – une révélation qui, étrangement, crée une autre règle. Ainsi va la créativité humaine.

Aucune règle – pas plus celles qui suivent que d’autres – ne doit donc être considérée comme une loi d’airain. Si vous n’en êtes pas convaincu, rendez-vous page 296, où je me fais l’avocat de la transgression de toutes les règles présentées ici. Au final, c’est vous qui déciderez si vous les appliquez et quand, mais, au moins, ce sera en parfaite connaissance de cause.

1. Sans concept, que du vide !

En l’absence de message, de récit, d’idée, d’histoire, ou d’expérience utile, on ne peut pas parler de graphisme. En l’absence de message clair, même si la
« chose » est belle et visuellement fascinante, c’est une coquille vide. Et c’est tout pour cette première règle.

2. Communiquer, c’est faire simple

La forme est porteuse de sens et rien dans cette forme ne doit venir brouiller le message et égarer le public. L’excès d’images et d’effets perturbe la communication. Tout ce qui n’apporte rien à la composition ou ne contribue pas au sens n’est pas du graphisme, juste de la décoration. Chaque élément visuel doit être pertinent et avoir une fonction précise, justifiée. Sinon, il doit être remplacé.

3. Soyez universel

Votre message est destiné à un public aussi large que possible, pas à quelques spécialistes de haut vol. Vous savez ce que vous avez voulu dire, la communauté des graphistes le verra aussi. Mais si le grand public ne comprend pas, à quoi bon ? Visez l’universel. Puisez dans le trésor commun des formes et métaphores de l’humanité. Créez des liens, pas des frontières. Et pour savoir si vos idées « marchent », soumettez-les à l’avis du premier venu.

4. Pas de cacophonie visuelle

Assurez-vous que tous les éléments « communiquent » les uns avec les autres. Le bon graphisme suppose que le langage visuel d’un tout – sa logique interne – est tel que ses parties se renforcent mutuellement en termes de forme, poids visuel ou agencement, mais aussi du point de vue conceptuel. Tout ce qui n’est pas intégré affaiblit le message.

5. Moins c’est mieux

La théorie du « moins c’est mieux » n’est pas un dogme esthétique. C’est une question de bon sens : plus il y a d’éléments dans un espace donné, plus il est difficile de voir l’essentiel. Il ne faut surtout pas confondre « complexe » et 
« compliqué ». La vraie puissance créatrice est celle qui exploite le moins d’éléments possibles sans appauvrir l’expérience. Plus, c’est souvent trop, tout simplement.

6. L’important, c’est le blanc

L’espace négatif (le blanc) est crucial en graphisme : il attire l’oeil et lui offre un espace de repos. L’espace négatif est une forme comme les autres. Faites-le ressortir et interagir avec les autres éléments. L’absence d’espace négatif crée une présentation oppressante devant laquelle le public se sent écrasé.

7. Sans hiérarchie, pas de trajet

Attirez d’emblée l’attention du public sur un élément important – une forme massive, une image ou des caractères surprenants, une couleur osée – puis, en suivant un ordre logique, sur les éléments moins importants de proche en proche. Cela s’appelle « hiérarchiser » – amener à voir dans un ordre donné – et conditionne l’accès et la compréhension. Sans hiérarchie, la bataille est perdue d’avance.

8. La symétrie, une amie qui ne vous veut pas que du bien

Comme dans la nature, la symétrie peut être efficace en graphisme. Mais elle doit être maniée avec précaution. Les compositions symétriques deviennent vite statiques et plates et tout ce qui n’entre pas dans le moule défini par la symétrie est extrêmement difficile à traiter. La symétrie, souvent perçue comme conventionnelle (ce qui n’est pas toujours le cas) laisse parfois penser que le graphiste a cédé à la facilité et manque de créativité – comme si le format imposait l’agencement du matériau.

9. Du relief, encore du relief

Les gens tendent à considérer que ce qui est visuellement bidimensionnel est plat. Les compositions qui ne réussissent pas à donner une impression de profondeur ou de mouvement – celles où tous les éléments ont la même taille, le même poids, la même couleur et semblent parfaitement équidistants – semblent ternes et sans vie. Donnez au public l’illusion de la profondeur en faisant varier la taille et la transparence des éléments. Différenciez les densités et les ouvertures en regroupant certains éléments et en en écartant d’autres. Appliquez de la couleur aux formes de telle sorte que certaines semblent avancer et d’autres reculer. Persuadez le spectateur que la surface est une fenêtre s’ouvrant sur un monde plus vaste, attirant.

10. De la couleur certes, mais avec discernement

N’utilisez pas n’importe quelle couleur. Vous devez savoir quel résultat vous obtiendrez en combinant des couleurs et, plus encore, ce qu’elles diront au public. Elles portent une charge psychologique et émotionnelle considérable, dont la signification peut varier énormément d’un groupe culturel ou d’un individu à l’autre. Il faut les choisir avec le plus grand soin car elles impactent la hiérarchie visuelle, la lisibilité des caractères et la manière dont les gens établissent des connexions entre des éléments disparates – on parle souvent de codage de couleurs. Ne croyez pas non plus que telle ou telle couleur est adaptée, simplement par convention. Choisir le bleu pour les services financiers allait de soi ces cinquante dernières années, mais il faut choisir la couleur qui convient, pas nécessairement celle que tout le monde attend.

 

Extrait de :

Manuel de design graphique
Forme et espace, couleur, typo, images, composition : pour des créations originales et percutantes
Timothy Samara
Collection: Hors collection, Dunod
2014 – 320 pages – 203×254 mm

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