Nikon D800 : améliorer ses résultats en exposant à droite

Dans un processus de numérisation d’une image il y a deux étapes : l’échantillonnage et la quantification. Dans un appareil numérique, l’échantillonnage est réalisé par le capteur et sa matrice de photosites qui va, dans le cas du D800, prélever 36 millions d’échantillons dans l’image fournie par l’objectif. Chaque photosite du capteur a accumulé une charge proportionnelle à l’énergie lumineuse qu’il a reçue pendant l’exposition.

L’étape suivante consiste à quantifier ces valeurs, ce qui consiste à convertir la variation parfaitement continue de l’intensité de la lumière (donc nombre de valeurs infinies) en valeurs discrètes, c’est-à-dire en un nombre limité de valeurs afin qu’elles soient facilement manipulables par les calculateurs de l’appareil. On parle de quantification 8 bits, 12 bits, 14 bits ou plus en numérique ; il s’agit du nombre de tons (ou niveaux) différents disponibles dans chaque couleur RVB : 8 bits = 28 soit 256 valeurs de tons différents par couleurs, 12 bits = 212 soit 4 096 valeurs différentes par couleur et 14 bits = 214 soit 16 384 valeurs différentes. En mode RAW le D800 peut enregistrer les données en 12 ou 14 bits. On comprend donc que plus le nombre de bits est important plus la finesse des tons (dégradés) reproductibles l’est aussi.

En résumé

  • La résolution spatiale (liée à la taille des pixels), c’est le plus petit détail perceptible dans l’image.
  • La résolution tonale (liée à la quantification), c’est le plus petit écart de ton discernable dans l’image, ce qui permet des dégradés fins.

Mais la sensibilité du capteur est linéaire, c’est-à-dire que chaque photosite délivre un signal proportionnel à la quantité de lumière qu’il reçoit. Ce n’est pas le cas de notre oeil (ni de nos oreilles d’ailleurs, par exemple il faut multiplier par 6 ou 8 l’intensité réelle d’un son pour qu’on le perçoive comme seulement deux fois plus fort). Pour cette raison, si l’appareil nous présentait l’image telle qu’elle est enregistrée par le capteur, elle nous paraîtrait extrêmement sombre. Donc les ingénieurs appliquent une forte correction sur les valeurs sombres à moyennes afin que l’image corresponde à notre perception (courbe de gamma 2,2). Ceci a un impact important sur la répartition des valeurs dans ces niveaux de luminosité, les 16 384 bits disponibles ne sont plus linéairement répartis.

Pour un appareil dont le capteur permet d’enregistrer une plage dynamique de 9 IL par exemple, c’est-à-dire un écart de 9 diaphragmes entre la plus haute et la plus basse intensité lumineuse dans l’image, le premier bit concerne les très hautes lumières et utilise la moitié des valeurs disponibles, soit pour 14 bits : 16 384/2 = 8 192 valeurs de tons par couleur RVB (c’est le bit de poids fort, la plage de luminosité la plus favorisée par la nouvelle répartition). La plage de luminance deux fois plus faible qui la suit (1 IL ou 1 diaphragme au-dessous donc) utilisera la moitié des valeurs restantes soit 8 192/2 = 4 096 valeurs de tons, et ainsi de suite jusqu’au dernier niveau (le bit de poids faible). Au final, les photosites pleins à moyennement pleins permettent une bonne finesse dans la reproduction des tons alors que les photosites moyennement à faiblement remplis sont beaucoup moins bien lotis pour reproduire les fins dégradés de tons.

Résolution tonale (quantification).

Heureusement, dans la pratique une répartition sur 256 tons par couleur suffit à notre finesse de perception visuelle, c’est d’ailleurs celle des images JPEG, mais ce serait dramatiquement insuffisant en tant que base de quantification des images lors de leur numérisation à cause de la nécessité de l’application de la courbe gamma qui appauvrit considérablement en nombre de tons les zones moyennes à sombres de l’image. Ceci serait encore accentué à la moindre sous-exposition de l’image qui impliquerait une correction en post-traitement. Une perte excessive en richesse de tons peut se traduire par ce que l’on nomme postérisation, lorsqu’il n’y a plus que quelques tons pour traduire les diverses zones sombres de l’image et que les transitions entre les tons deviennent visibles ; dans ce cas extrême il n’y a plus de dégradés possibles. Cela n’arrive que dans des cas de post-traitements inappropriés.

La conséquence de cette constatation est que si l’on a réalisé une prise de vue sous-exposée par erreur et que la courbe de l’histogramme s’arrête au milieu du graphe comme dans l’image suivante, les plus hautes lumières ne disposeront que de 512 valeurs de tons comprises dans la plage 5 au lieu de 8 192 si l’exposition avait été correcte. Après correction en post-traitement les hautes lumières auront des transitions moins fines et les basses lumières déjà moins bien loties par principe seront encore plus dégradées.

Graphe d’une vue sous-exposée.

Exemple de postérisation extrême.

Dans l’exemple suivant à gauche, l’image est très fortement sous-exposée, les plus hautes lumières (les nuages), au lieu de se trouver à droite de l’histogramme, se trouvent au centre c’est-à-dire à la place que devraient occuper les valeurs moyennes de l’image. On va donc corriger l’image en amenant l’onglet du niveau 255 au début de la courbe réelle. On voit immédiatement l’effet sur l’image de droite.

À gauche, l’image très fortement sous-exposée, à droite, l’image corrigée.

Vérifions maintenant l’histogramme de l’image corrigée. On voit bien que les valeurs ont été étalées sur l’ensemble de l’histogramme de 0 à 255. Mais la conséquence de cet étalement a aussi été de créer des manques de valeurs mis en évidence par l’aspect en peigne de la courbe. La partie située à l’extrême gauche et encadrée de rouge présente même des trous importants dans la courbe, signe de postérisation forte de l’image dans les très basses lumières. Ces zones sont extrêmement pauvres en tons.

La partie de l’histogramme encadrée en rouge présente des trous importants dans la courbe, signe de postérisation forte de l’image dans les très basses lumières.

C’est pour cela qu’il est souhaitable de favoriser un réglage d’exposition permettant de remplir au mieux les photosites recevant les hautes lumières de la scène de manière à utiliser les plages les plus riches en tons, et en même temps remplir le mieux possible les photosites se trouvant dans les zones sombres afin de maintenir le niveau de signal utile bien au-dessus de celui du bruit. En effet la dynamique utile du capteur est dépendante du bruit dans les basses lumières. Si les zones de basses lumières sont entachées d’un bruit élevé, elles ne seront pas exploitables et donc on amputera la dynamique finale de l’image. C’est ce que l’on appelle exposer à droite, en faisant référence au placement de la courbe dans l’histogramme.

Exposer à droite c’est appliquer des réglages d’exposition permettant d’obtenir une courbe d’histogramme dont la partie droite (les hautes lumières) arrive presque à l’extrémité droite, de manière à discerner tout de même la fin de la courbe pour éviter de surexposer.

Bernard Rome

 

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