Procédés narratifs et « trucs » d’écriture


 
 
MacGuffin, accroche, hareng saur, cliffhanger… Génération Image vous explique les « trucs » d’écriture qui font les bonnes histoires
 
 

Le MacGuffin

 
Le MacGuffin doit sa renommée aux entretiens qu’Alfred Hitchcock avait accordés à François Truffaut et rapportés dans un livre admirable qu’il faut absolument avoir lu. Le réalisateur en donne une définition précise :
 

« il s’agit, en particulier dans les films d’espionnage ou policiers, de la raison qui fait courir les personnages, mais dont le scénariste et le spectateur se moquent dans le détail. »

 
Il constitue une justification de mouvement : par exemple, il s’agira dans La mort aux trousses, de secrets gouvernementaux ; or, qui parmi les spectateurs ayant vu le film se rappelle qu’ils prennent la forme de microfilms cachés dans une statuette, et surtout, qui connaît exactement la nature de ces secrets ?
On ne nous fournit quasiment aucun détail sur le contenu, et les spectateurs en font peu de cas : ce prétexte justifie que les personnages bougent et que l’action démarre. Le public n’est pas tant concerné par les raisons précises du mouvement et la compréhension totale des enjeux car il est surtout intéressé par la survie du personnage. Une fois le MacGuffin placé, on peut l’oublier.
 
 

L’accroche

 
L’écriture du premier acte peut être difficile à gérer du fait des obligations simultanées de fournir des informations et de propulser le public dans le récit. Un procédé assez efficace consiste à commencer le récit par une scène choc, spectaculaire ou intrigante, afin de lui faire quitter son monde ordinaire pour celui de la fiction.

James Bond, spécialiste du genre avec des séquences d’ouverture proches du court métrage

 
 

Le hareng saur (red herring) ou la fausse piste

 
Partant du principe qu’il s’agit en permanence de jouer avec le spectateur, on peut être amené à lui fournir une fausse piste qui va détourner son attention dans le but de le surprendre davantage au final. C’est le principe du hareng saur (ou hareng rouge, issu d’une traduction littérale de l’anglais pour red herring). Ce détournement peut être provoqué par un fait anodin (un comportement qui semble suspect sans être non plus exceptionnel), ou être particulièrement mis en avant.
Par exemple, dans Psychose, l’argent qu’a volé Marion Crane constitue le moteur de la première partie du film, est même mis en avant lors du nettoyage de la salle de bain après le meurtre, alors que le réel sujet du film est constitué des agissements et de la psychologie de Norman Bates… et de sa mère (sic).
Autre exemple, le but d’origine de l’intervention du commando dans la jungle de Predator constitue un hareng saur particulièrement efficace. Le hareng saur mène obligatoirement à une charnière dramatique de premier ordre puisque le renversement est important.
 
 

L’implant

 
Il s’agit d’une information que le scénariste va inclure dans la continuité de telle manière que le spectateur ne puisse s’apercevoir de son importance sur le moment. Il est utilisé afin d’éviter que les informations ne tombent toutes en même temps, ce qui mènerait au deus ex machina. Les implants peuvent concerner des lieux, des objets, des personnages, des capacités particulières…
Généralement, il s’agit de l’amener bien en amont du moment où il va servir. Ainsi, dans Le monde perdu : Jurassic Park, Kelly, la fille de Ian Malcom (Jeff Goldblum), lui annonce qu’elle a eu une mauvaise note en gymnastique ; bien plus tard, elle exécute une figure en utilisant une poutre comme barre parallèle pour se débarrasser d’un dinosaure : si elle avait parlé de ses capacités en gymnastique seulement cinq minutes avant qu’elle en fasse la démonstration, l’effet aurait été « téléphoné ». Il s’agit donc de le rendre le plus discret possible afin que le public l’oublie avant qu’il ne soit utilisé de manière naturelle. Il ne faut pas que le spectateur se dise « Ah ! Ça, ça va servir pour plus tard ». Or comme il n’a aucune fonction lorsqu’il est présenté, il peut souffrir d’une gratuité qui contraste avec l’efficacité habituelle d’un scénario. Il faut donc le mêler habilement à la conversation, le gommer par le rythme, le décalage, ou le déguiser.
 

▲ Dans Les aventuriers de l’arche perdue, cette scène passe pour un trait d’humour mais constitue un implant – la peur d’Indiana Jones devant les serpents – qui servira lorsqu’il sera enfermé avec Marion dans un temple égyptien rempli de reptiles.

 
 

Le cliffhanger

 
Il s’agit d’une technique pour tenir le spectateur en haleine en le confrontant à une forte interrogation du type : comment le protagoniste va-t-il s’en sortir ? Que peut-il faire maintenant ? Comment va-t-il réagir ? Il est très utilisé dans la série TV pour éviter que le public ne zappe, notamment au moment des coupures publicitaires, ou plus généralement à la fin d’une saison pour attiser la curiosité et créer de l’impatience.
Son utilisation remonte au feuilletonisme dont chaque épisode devait s’achever sur un gros point d’interrogation obligeant le lecteur à se précipiter sur le numéro suivant de la revue, ou sur l’épisode filmique du serial à venir. Il est nécessaire pour tenir le spectateur accroché, en particulier si l’on suit plusieurs intrigues parallèles. En BD, on l’utilise aussi à chaque fin de planche impaire (pour forcer à tourner la page).
 
 

La voix off

 
Le procédé fait immédiatement référence aux films dont le point de vue est celui du personnage principal. Ainsi, parallèlement à l’histoire exposée en direct, nous entendons également les commentaires personnels, à la manière dont nous pouvons lire l’esprit d’un personnage dans le cadre d’un roman. Il s’agit d’une des utilisations de la voix off, homodiégétique, que l’on trouve dans de nombreux films : American Beauty, Blade Runner (la version de 1982), Taxi Driver, Boulevard du crépuscule… Elle autorise quelques souplesses délicates : faire parler un mort (American Beauty, Boulevard du crépuscule), entrer dans la logique d’un esprit détraqué (Taxi Driver).
Le contenu passant très facilement, on peut poursuivre une narration audiovisuelle simultanée sans que le public ne se sente submergé par la quantité d’informations. Ainsi, dans American Beauty, on prend connaissance de tous les personnages importants du récit dans les premières minutes, accompagnés de l’appréciation qu’en a le narrateur.
On peut aussi utiliser la voix off en la faisant jouer par une personne extérieure à la diégèse. Elle permet souvent d’amener des informations complémentaires afin d’accélérer les mises en place (dans Jules et Jim, la voix off nous informe dès le début des circonstances de la rencontre des deux hommes, puis permettra ensuite de faire passer les nombreuses ellipses du scénario ; on pourrait en dire autant des Deux Anglaises et le continent, toujours de Truffaut).
Une autre fonction de la voix off parallèle à l’action, en particulier lorsqu’elle appartient à un personnage hétérodiégétique, est d’instiller une forme littéraire. Ce commentaire autorise quelques acrobaties délicates en son absence.
 

▲ Dans Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, la voix d’André Dussolier présente les parents d’Amélie.

 
 

Extrait de
Ecrire pour le cinéma et la télévision
Structure du scénario, outils et nouvelles techniques d’écriture créative
Olivier Cotte
Collection : Hors collection, Dunod
2014 – 224 pages
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